L’idée d’Europe unie a déjà une longue histoire. Dès le début du 19è siècle, elle figurait parmi les idées radicales que défendaient certains intellectuels distingués et politiciens éclairés, qui recherchaient dans les « États Unis d’Europe » la réponse aux guerres sanglantes et aux graves conflits qui opposaient les grandes puissances. Tout au long de son parcours, l’idéal européen tend à s’identifier aux idéaux pacifistes.
Chez Jean Kapodistrias et Altiero Spinelli, deux personnalités d’envergure européenne, se rejoignent les aspirations et les efforts de deux siècles en faveur de l’unification de l’Europe. Le premier proclamait déjà en 1820, dans une conférence pour la paix, que « seul le choix de faire dominer les idées libérales et démocratiques, le respect des droits des petits peuples, et non le retour aux institutions vieilles et dépassées de la violence, est celui que nous devons adopter pour permettre le maintien de la paix et la réconciliation des peuples d’Europe ». Le second, alors qu’il était encore prisonnier du régime fasciste de Mussolini, rédigea le manifeste de Ventotene en faveur d’une Europe libre et unie et se distingua après la guerre comme l’un des protagonistes de l’unification européenne démocratique, sociale et pacifiste sur la base du modèle fédéral. Les idées des deux hommes continuent encore aujourd’hui, à l’aube du 21ème siècle, à représenter une source d’inspiration, au moment où l’Europe se trouve à un carrefour et recherche de nouvelles voies pour sortir de la crise que traverse le processus d’unification.
Nous, signataires de cette proclamation fondatrice de l’Initiative « Kapodistrias – Spinelli – Europe », considérons que l’unification de l’Europe est nécessaire et faisable aujourd’hui plus encore que jamais dans l’histoire. Elle concerne non seulement l’ensemble de notre continent, ses peuples et ses citoyens, mais l’humanité toute entière.
La crise profonde et multiple que vit le monde entier montre de la manière la plus claire que l’Europe unie ne peut être un grand marché incontrôlé, où continuera à dominer l’avidité des profits, où seront absents les contrôles démocratiques et sociaux, où les citoyens seront sans cesse poussés en marge, où les biens publics seront commercialisés.
L’heure est venue pour les peuples et les citoyens de prendre en main le processus d’unification de l’Europe. De défendre le modèle social européen. De revendiquer un processus de construction européenne « par le bas », incluant le droit du choix des électeurs (en tant que droit de l’homme fondamental) d’un système de gouvernance alternatif basé sur les citoyens actifs, sans toutefois abolir les partis et le droit du choix d’une démocratie représentative multipartite. D’exiger le renforcement du Parlement Européen, de sorte qu’il acquière de pleines compétences législatives et de contrôle. De créer également une deuxième Chambre des citoyens actifs et libres au Parlement Européen.
Une Europe unie ne peut être que pacifique et écologique, indépendante des États Unis, libérée des armes nucléaires, dans l’esprit de l’ «Appel de Saintes» et du rapport « Sur l’environnement, la sécurité et la politique étrangère », solidaires des pays pauvres, avec des relations de respect mutuel, d’amitié et de coopération avec tous les pays et des relations privilégiées avec les pays du voisinage proche.
Nous pensons que c’est là l’héritage que nous ont laissé Kapodistrias et Spinelli et d’autres grands pro-européens, ainsi que les grands mouvements qui ont marqué de leurs luttes l’histoire européenne, particulièrement dans le courant du 20è siècle et au début du 21ème. Sur la base des idées et objectifs précités, nous ferons en sorte de développer notre initiative, laquelle sera ouverte à la participation et aux collaborations, au niveau national et européen.
Athènes, mars 2009/Égine juin 2013